Chacun-e d’entre nous dans son quotidien, rien qu’en regardant le journal télévisé, est confronté-e à des mots qui cristallisent des enjeux socio-politiques et dont normalement on ne connaît ni la provenance ni la manière de circuler à travers les différents discours. Ces mots sont là, ils nous sont donnés par des discours qui circulent et qui imposent des référents nouveaux. Des expressions comme «développement durable», «lutte contre la pauvreté», «égalité entre les hommes et les femmes», «violence à l’égard des femmes», «combattants étran- gers»... ont inauguré des débats et des espaces discursifs de confrontation politique. Très souvent, ces mots introduisent des questions qui finissent par se répercuter sur notre quotidien de manière plus ou moins directe. Il suffit de penser au mot «crise», tel qu’il s’est répandu d’abord en contexte international en 2006 (Ambrosetti, Buchet de Neuilly 2009; Caimotto, Raus 2017: 173-177) et ensuite dans les discours politiques et dans l’espace médiatique, pour se rendre compte de l’impact que ces mots peuvent avoir bien au-delà de la réalité qu’ils peuvent désigner. Et pourtant, peu savent que ces mots, qui ont tendance à s’imposer comme des évidences, viennent souvent de discours qui circulent d’abord à l’international et qui arrivent finalement chez nous via, entre autres, les discours politiques. C’est pour cette raison que nous avons estimé fondamental d’analyser dans un même livre les discours politiques produits au niveau national et les discours internationaux produits par les organisations intergouvernementales. Il s’agit en effet de deux types de discours qui, tout en restant prononcés par des énonciateurs et dans des contextes différents, ouvrent des espaces de circulation de matériel lexical et discursif qui méritent d’être étudiés, notamment dans le cadre d’une approche d’analyse du discours. Si, aujourd’hui, les contestataires contribuent à répandre le leitmotiv d’une politique qui se jouerait de plus en plus au plan européen et international et qui viderait les responsables politiques de la vraie gestion et de la gouvernance des pays, rares sont, en effet, les études portant justement sur la filiation et les relations réciproques entre discours politiques et discours internationaux. Peut- être parce que le discours international est un large chantier qui reste encore à explorer (Gobin, Deroubaix 2010) et qui est donc relativement moins connu par rapport aux discours politiques qui, par contre, ont fait couler beaucoup d’encre de la part des analystes du discours. Par conséquent, il nous a semblé bon de revenir sur ces types de discours pour les poser dans un continuum et les aborder à l’aide des notions fournies par l’analyse du discours (désormais AD), telle qu’elle s’est élaborée en France à partir des années 1960, par la linguistique de l’énonciation, dont l’apport à l’AD s’est révélé essentiel, et par la lexicologie. L’étude du lexique est en effet fondamentale dans la mesure où non seulement les discours se composent de mots et que ces derniers acquièrent un sens spécificique en contexte mais que les mots deviennent l’observatoire privilégié pour retracer l’idéologie que les discours véhiculent. Notion privilégiée de l’AD, qui la reprend à Louis Althusser, l’idéologie nous portera à aborder les mots à l’aide également de la sémiologie, notamment de la célèbre notion barthésienne de «mythe» (Barthes 1957) et de celle, récente, de «mythe programmé» (Perrot, Rist, Sabelli 1992) que nous lierons à l’apparition de la «langue de coton» qui caractérise les discours internationaux et politiques des années les plus récentes.

FESP: Le français pour les étudiants de Sciences politiques (II edizione completamente rivista e ampliata)

RAUS, Rachele
2017-01-01

Abstract

Chacun-e d’entre nous dans son quotidien, rien qu’en regardant le journal télévisé, est confronté-e à des mots qui cristallisent des enjeux socio-politiques et dont normalement on ne connaît ni la provenance ni la manière de circuler à travers les différents discours. Ces mots sont là, ils nous sont donnés par des discours qui circulent et qui imposent des référents nouveaux. Des expressions comme «développement durable», «lutte contre la pauvreté», «égalité entre les hommes et les femmes», «violence à l’égard des femmes», «combattants étran- gers»... ont inauguré des débats et des espaces discursifs de confrontation politique. Très souvent, ces mots introduisent des questions qui finissent par se répercuter sur notre quotidien de manière plus ou moins directe. Il suffit de penser au mot «crise», tel qu’il s’est répandu d’abord en contexte international en 2006 (Ambrosetti, Buchet de Neuilly 2009; Caimotto, Raus 2017: 173-177) et ensuite dans les discours politiques et dans l’espace médiatique, pour se rendre compte de l’impact que ces mots peuvent avoir bien au-delà de la réalité qu’ils peuvent désigner. Et pourtant, peu savent que ces mots, qui ont tendance à s’imposer comme des évidences, viennent souvent de discours qui circulent d’abord à l’international et qui arrivent finalement chez nous via, entre autres, les discours politiques. C’est pour cette raison que nous avons estimé fondamental d’analyser dans un même livre les discours politiques produits au niveau national et les discours internationaux produits par les organisations intergouvernementales. Il s’agit en effet de deux types de discours qui, tout en restant prononcés par des énonciateurs et dans des contextes différents, ouvrent des espaces de circulation de matériel lexical et discursif qui méritent d’être étudiés, notamment dans le cadre d’une approche d’analyse du discours. Si, aujourd’hui, les contestataires contribuent à répandre le leitmotiv d’une politique qui se jouerait de plus en plus au plan européen et international et qui viderait les responsables politiques de la vraie gestion et de la gouvernance des pays, rares sont, en effet, les études portant justement sur la filiation et les relations réciproques entre discours politiques et discours internationaux. Peut- être parce que le discours international est un large chantier qui reste encore à explorer (Gobin, Deroubaix 2010) et qui est donc relativement moins connu par rapport aux discours politiques qui, par contre, ont fait couler beaucoup d’encre de la part des analystes du discours. Par conséquent, il nous a semblé bon de revenir sur ces types de discours pour les poser dans un continuum et les aborder à l’aide des notions fournies par l’analyse du discours (désormais AD), telle qu’elle s’est élaborée en France à partir des années 1960, par la linguistique de l’énonciation, dont l’apport à l’AD s’est révélé essentiel, et par la lexicologie. L’étude du lexique est en effet fondamentale dans la mesure où non seulement les discours se composent de mots et que ces derniers acquièrent un sens spécificique en contexte mais que les mots deviennent l’observatoire privilégié pour retracer l’idéologie que les discours véhiculent. Notion privilégiée de l’AD, qui la reprend à Louis Althusser, l’idéologie nous portera à aborder les mots à l’aide également de la sémiologie, notamment de la célèbre notion barthésienne de «mythe» (Barthes 1957) et de celle, récente, de «mythe programmé» (Perrot, Rist, Sabelli 1992) que nous lierons à l’apparition de la «langue de coton» qui caractérise les discours internationaux et politiques des années les plus récentes.
2017
Gruppo editoriale Simone
1
267
9788891415721
Analyse du discours politique, Analyse du discours des organisations internationales, Lexicologie discursive
Raus, Rachele
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