L’enjeu de mon article concerne la valeur du titre Siluae en latin, en amont et en dehors des Siluae de Stace. Il s’agit d’une étude préliminaire, qui peine à s’intégrer à un recueil qui vise à étudier l’héritage classique « de l’Antiquité au XVIIIe siècle ». En effet, pendant presque mille ans d’histoire littéraire, silua et les Siluae ont été comprises (et, sur cette base, réélaborées librement) à partir de deux éléments : l’interprétation littéraire des poésies de Stace d’un côté, les notices lexicologiques de l’Antiquité tardive sur silua de l’autre. Or, dans ces pages, je n’aurai pas recours à ces deux éléments, car, ce faisant, je ne produirais qu’une esquisse sur l’esthétique du Stace « mineur », ou je répéterais, avec moins d’érudition, ce que V. Leroux, G. Vogt-Spira et A. Maranini nous ont appris sur la naissance du genre après la redécouverte des livres de Stace par Poggio ; j’ai essayé, au contraire, de me borner au développement sémantique qui précède la floraison des Siluae « d’après Stace », sans me laisser conditionner par ces dernières. De façon plus analytique, avec cette recherche, on aboutit au compte-rendu suivant : 1. silua, quand le mot apparaît dans le vocabulaire de la rhétorique, est utilisée, toujours au singulier, pour sa valeur naturelle et métaphorique de « grande quantité, forêt de » ; 2. sa connotation prédominante est celle de « confusion », inévitable dans une première phase d’inuentio, laquelle doit pourtant être suivie d’une réélaboration des contenus (dispositio) et de la forme (elocutio) ; 3. de façon secondaire, la présence d’une connotation savante par métalepse est indéniable ; elle attire le mot dans le champ sémantique de u{lh (« matière/matériaux ») ; 4. il est pourtant tout-à-fait erroné de maintenir que chez Cicéron le mot doit être traduit par « matière/matériaux » : ce dogme est plus proclamé dans les notes des commentaires ou dans les lemmes des vocabulaires que mis en œuvre par les traducteurs ; 5. toujours au singulier, le mot, au Ier siècle av. et ap. J.-C., apparaît comme titre de « mélanges » érudits, avec un glissement implicite de la première phase de notre second point (l’inuentio) à la seconde (la publication officielle et définitive) ; 6. dans la même période (Quintilien), le terme au singulier est utilisé aussi dans le sens d’« esquisse, ébauche », comme évolution de la méthode de composition proposée par Cicéron : c’est l’unique cas où la silua est liée de façon explicite à l’idée d’improvisation ; 7. comme titre au pluriel (Aulu-Gelle) le mot Siluae est explicitement interprété comme uaria et miscella et quasi confusanea doctrina, une définition parfaite par rapport à son développement ici résumé ; 8. on ne peut pas juger jusqu’à quel point était active une ligne de démarcation sémantique entre singulier et pluriel ; pourtant, la connotation par métalepse (= u{lh) semble du moins absente ou inactive au pluriel, l’emploi de u|lai étant fortement réduit en grec, surtout avec le signifié de « matière », philosophique et/ou rhétorique ; par conséquent, l’usage métaphorique de Siluae en tant que titre fait partie de la ligne de développement naturelle et « latine » . 9. enfin, qu’elles soient une « ébauche » chez Quintilien ou des « mélanges » chez Aulu-Gelle, les siluae ne signifient pas chez Stace « impromptu ». Cette valeur, très importante dans l’histoire littéraire du Ier siècle ap. J.C., et encore davantage à la Renaissance, est liée au signifiant Siluae seulement après Stace et grâce à ses Praefationes. Chez Stace, comme chez Aulu-Gelle, l’idée prédominante reste celle initiale de quantité et confusion.

La formation et l’usage du titre siluae en latin classique

MALASPINA, Ermanno
2013-01-01

Abstract

L’enjeu de mon article concerne la valeur du titre Siluae en latin, en amont et en dehors des Siluae de Stace. Il s’agit d’une étude préliminaire, qui peine à s’intégrer à un recueil qui vise à étudier l’héritage classique « de l’Antiquité au XVIIIe siècle ». En effet, pendant presque mille ans d’histoire littéraire, silua et les Siluae ont été comprises (et, sur cette base, réélaborées librement) à partir de deux éléments : l’interprétation littéraire des poésies de Stace d’un côté, les notices lexicologiques de l’Antiquité tardive sur silua de l’autre. Or, dans ces pages, je n’aurai pas recours à ces deux éléments, car, ce faisant, je ne produirais qu’une esquisse sur l’esthétique du Stace « mineur », ou je répéterais, avec moins d’érudition, ce que V. Leroux, G. Vogt-Spira et A. Maranini nous ont appris sur la naissance du genre après la redécouverte des livres de Stace par Poggio ; j’ai essayé, au contraire, de me borner au développement sémantique qui précède la floraison des Siluae « d’après Stace », sans me laisser conditionner par ces dernières. De façon plus analytique, avec cette recherche, on aboutit au compte-rendu suivant : 1. silua, quand le mot apparaît dans le vocabulaire de la rhétorique, est utilisée, toujours au singulier, pour sa valeur naturelle et métaphorique de « grande quantité, forêt de » ; 2. sa connotation prédominante est celle de « confusion », inévitable dans une première phase d’inuentio, laquelle doit pourtant être suivie d’une réélaboration des contenus (dispositio) et de la forme (elocutio) ; 3. de façon secondaire, la présence d’une connotation savante par métalepse est indéniable ; elle attire le mot dans le champ sémantique de u{lh (« matière/matériaux ») ; 4. il est pourtant tout-à-fait erroné de maintenir que chez Cicéron le mot doit être traduit par « matière/matériaux » : ce dogme est plus proclamé dans les notes des commentaires ou dans les lemmes des vocabulaires que mis en œuvre par les traducteurs ; 5. toujours au singulier, le mot, au Ier siècle av. et ap. J.-C., apparaît comme titre de « mélanges » érudits, avec un glissement implicite de la première phase de notre second point (l’inuentio) à la seconde (la publication officielle et définitive) ; 6. dans la même période (Quintilien), le terme au singulier est utilisé aussi dans le sens d’« esquisse, ébauche », comme évolution de la méthode de composition proposée par Cicéron : c’est l’unique cas où la silua est liée de façon explicite à l’idée d’improvisation ; 7. comme titre au pluriel (Aulu-Gelle) le mot Siluae est explicitement interprété comme uaria et miscella et quasi confusanea doctrina, une définition parfaite par rapport à son développement ici résumé ; 8. on ne peut pas juger jusqu’à quel point était active une ligne de démarcation sémantique entre singulier et pluriel ; pourtant, la connotation par métalepse (= u{lh) semble du moins absente ou inactive au pluriel, l’emploi de u|lai étant fortement réduit en grec, surtout avec le signifié de « matière », philosophique et/ou rhétorique ; par conséquent, l’usage métaphorique de Siluae en tant que titre fait partie de la ligne de développement naturelle et « latine » . 9. enfin, qu’elles soient une « ébauche » chez Quintilien ou des « mélanges » chez Aulu-Gelle, les siluae ne signifient pas chez Stace « impromptu ». Cette valeur, très importante dans l’histoire littéraire du Ier siècle ap. J.C., et encore davantage à la Renaissance, est liée au signifiant Siluae seulement après Stace et grâce à ses Praefationes. Chez Stace, comme chez Aulu-Gelle, l’idée prédominante reste celle initiale de quantité et confusion.
2013
La silve. Histoire d'une écriture libérée en Europe de l'Antiquité au XVIIIe siècle
Brepols Publishers
Latinitates
5
17
43
9782503529929
http://www.brepols.net/Pages/BrowseBySeries.aspx?TreeSeries=LATIN
silva; silvae; materia; Statius; Publius Papinius; Quintilianus; Aulus Gellius
Ermanno Malaspina
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