Si l’on ne cesse de convoquer Frantz Fanon, vérritable "spectre" de notre présent, si l’on persiste à lui consacrer des dizaines de livres, n’est-ce pas que quelque chose de son temps – de sa violence, comme il l’avait lui-même prévu – hante encore notre présent ? N’est-ce pas là le noeud qu’il a su discerner peut-être plus que n’importe qui d’autre, l’imbrication du politique et de l’aliénation, la même que nous sommes aujourd’hui appelés à reconnaître et à démêler ? Désaliéner, pour Fanon, ne consiste au fond que dans l’acte de désarçonner la loi symptomatique de la répétition (la « répétition sans histoire92 »), peu importe où et comment elle se reproduit. La décolonisation est une rupture radicale. Son projet : « changer l’ordre du monde » (« remplacement d’une « espèce » d’hommes par une autre « espèce » d’hommes », écrit-il dans les premières lignes des Damnés de la terre). La décolonisation à laquelle il ne cesse de penser est incompatible avec tout repli sur un passé enkysté par la rancune, avec toute « imitation caricaturale et dans l’ensemble obscène » de l’Occident. Incompatible aussi avec tout projet de simple « africanisation » ou de retour sur son propre « savoir », comme le rappelle Achille Mbembe.
L'archive Fanon. Clés de lecture pour le présent
BENEDUCE, Roberto
2016-01-01
Abstract
Si l’on ne cesse de convoquer Frantz Fanon, vérritable "spectre" de notre présent, si l’on persiste à lui consacrer des dizaines de livres, n’est-ce pas que quelque chose de son temps – de sa violence, comme il l’avait lui-même prévu – hante encore notre présent ? N’est-ce pas là le noeud qu’il a su discerner peut-être plus que n’importe qui d’autre, l’imbrication du politique et de l’aliénation, la même que nous sommes aujourd’hui appelés à reconnaître et à démêler ? Désaliéner, pour Fanon, ne consiste au fond que dans l’acte de désarçonner la loi symptomatique de la répétition (la « répétition sans histoire92 »), peu importe où et comment elle se reproduit. La décolonisation est une rupture radicale. Son projet : « changer l’ordre du monde » (« remplacement d’une « espèce » d’hommes par une autre « espèce » d’hommes », écrit-il dans les premières lignes des Damnés de la terre). La décolonisation à laquelle il ne cesse de penser est incompatible avec tout repli sur un passé enkysté par la rancune, avec toute « imitation caricaturale et dans l’ensemble obscène » de l’Occident. Incompatible aussi avec tout projet de simple « africanisation » ou de retour sur son propre « savoir », comme le rappelle Achille Mbembe.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.