Décentralisation territoriale et unité de la nation. Les « Lettres d’Abraham Mansword» entre physiocratie et modèle américain

La notion de fédéralisme renvoie à une phase circonstanciée de la révolution française, quand le mot devint synonyme d’attentat à l’unité de la nation et fut lié à la mise en discussion du rôle central de Paris, à un moment où l’allégation de fédéralisme ne concerna pas la discussion sur un type de gouvernement, mais l’utilisation du langage comme instrument de lutte politique. Cette contribution vise à remonter aux origines de la réflexion française sur le modèle fédéral par l’analyse d’un texte auquel on n’a pas prêté jusqu’à présent une attention approfondie et qui témoigne de la spécificité du discours français sur le lien entre économie et politique. Avant l’essor de la révolution , à une époque où les projets de réformes en France se nouèrent avec les discours sur l’Amérique et sur ses potentialités comme laboratoire politique, les « Lettres d’Abraham Mansword, Citoyen de Philadelphie, à ses compatriotes de l’Amérique septentrionale », publiées en 1771 sur les Ephémérides du citoyen , esquissent un modèle politique déjà anticipateur du gouvernement fédéral américain avant la séparation des colonies britanniques. Il fut conçu dans les coordonnées de la physiocratie, en liant le thème de la décentralisation aux notions de représentation et de souveraineté.