La notion de vision n'est pas de celles qu'il est facile de cerner, et les chercheurs ont du mal à désigner par un terme univoque un domaine d'expériences qui peut, selon les contextes, recouvrir des significations et des usages sociaux très différents. Cet article analyse certains fragments d’un chant rituel enregistré près d'un village du haut-plateau dogon (Mali) au cours d'une thérapie effectuée par l'un des plus célèbres guérisseurs de la région. Il met en évidence la façon dont les toponymes, les métaphores et les synecdoques qui structurent le chant engendrent chez les participants une intense activité imaginative destinée à remémorer des événements passés et à élaborer des sentiments d'appartenance et de solidarité. En analysant les dimensions énonciatives et narratives du texte, il se propose de questionner la nature de l'efficacité symbolique à laquelle concourent des facteurs différents mais tous pareillement décisifs: l'évocation d'un paysage social et moral marqué par la crise, le « déclenchement de l’agressivité » (Favret-Saada), la forme même de l'énonciation rituelle (Severi), la « déhistoricisation institutionnelle » (de Martino), mais aussi la production d'une « contre-mémoire » et d'une forme particulière de conscience historique. Le rite pris en compte a d'autant plus de valeur qu'il est effectué dans un contexte de violence, au sein duquel le guérisseur perpétue la référence à des divinités ou le recours à des dispositifs de soins faisant l'objet d'une dure répression dans le contexte religieux actuel.

Voir et faire voir. Des images et de leur usage dans un traitement rituel dogon

Roberto Beneduce
2018-01-01

Abstract

La notion de vision n'est pas de celles qu'il est facile de cerner, et les chercheurs ont du mal à désigner par un terme univoque un domaine d'expériences qui peut, selon les contextes, recouvrir des significations et des usages sociaux très différents. Cet article analyse certains fragments d’un chant rituel enregistré près d'un village du haut-plateau dogon (Mali) au cours d'une thérapie effectuée par l'un des plus célèbres guérisseurs de la région. Il met en évidence la façon dont les toponymes, les métaphores et les synecdoques qui structurent le chant engendrent chez les participants une intense activité imaginative destinée à remémorer des événements passés et à élaborer des sentiments d'appartenance et de solidarité. En analysant les dimensions énonciatives et narratives du texte, il se propose de questionner la nature de l'efficacité symbolique à laquelle concourent des facteurs différents mais tous pareillement décisifs: l'évocation d'un paysage social et moral marqué par la crise, le « déclenchement de l’agressivité » (Favret-Saada), la forme même de l'énonciation rituelle (Severi), la « déhistoricisation institutionnelle » (de Martino), mais aussi la production d'une « contre-mémoire » et d'une forme particulière de conscience historique. Le rite pris en compte a d'autant plus de valeur qu'il est effectué dans un contexte de violence, au sein duquel le guérisseur perpétue la référence à des divinités ou le recours à des dispositifs de soins faisant l'objet d'une dure répression dans le contexte religieux actuel.
2018
Images visionnaires
L'Herne
Cahiers d'Anthropologie Sociale
17
218
240
Dogon (Mali) ; efficacité symbolique ; croyance ; cure rituelle ; contre-mémoire ; toponymes
Roberto Beneduce
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Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/2318/1691379
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