L’organe du toucher et la neurologie du racisme: l’origine tactile de la couleur de la peau chez Claude-Nicolas Le Cat

Cet article vise à explorer la manière dont le sens du toucher est analysé par le médecin Claude-Nicolas Le Cat (1700-1768) dans son Traité de la couleur de la peau humaine (1765), ouvrage qui témoigne de la synergie fructueuse entre médecine et philosophie dans le XVIIIe siècle français. En faisant converger deux questions canoniques – la valeur épistémologique du toucher et la question de la couleur de la peau –, l’ouvrage de la Cat parvient à tirer des conclusions originales dans une perspective strictement physiologique ainsi que dans une perspective anthropologique et philosophique plus large. Concernant le premier aspect, Le Cat introduit une explication «neurologique» de la couleur de la peau (explication qui lui permet aussi de résoudre l’énigme de l’albinisme) qui s’oppose au paradigme le plus répandu: l’explication pathologique. Concernant le second aspect, la «normalisation» de l’explication de la noirceur rendue possible par la théorie du toucher de Le Cat s’inscrit dans un phénomène complexe, typique du XVIIIe siècle, à savoir la remise en cause de la société européenne à travers la désignation morale de l’Autre