Maints ouvrages depuis des décennies sont rangés sous l’étiquette de « polar historique » et ont créé une filière d’écriture étendue et variée qui stimule des lecteurs fidèles et aussitôt des études critiques de la part des universitaires. « Polars d’ambiance rétro hors la loi du genre », d’après la définition que leurs auteures mêmes ont façonnée pour identifier leurs romans, les livres de Laurence Lefèvre et Liliane Korb, alias Claude Izner, proposent un regard inédit et piquant sur l’espace urbain de Paris. A travers leurs deux séries, celle de Victor Legris et celle de Jeremy Nelson, elles font preuve d’un culte pour une écriture littéraire et d’un travail d’historiennes rare. Dans chaque page se retentissent les échos des maîtres du roman policier et des sources d’archive auxquelles elles puisent des faits divers, des profils, des curiosités, des renvois aux transformations de la ville, de la société et de son organisation entre l’effervescente Belle Epoque et les pétillantes Années Folles. A côté de leurs héros-détective amateurs et de leur entourage formant une saga de personnages réapparaissant au fil des enquêtes, il n’y a pas qu’un Paris. Il y a plutôt les Paris: le grand Paris, celui de l’Histoire qui passe aux annales, des évènements politiques retentissants, des grandes expositions, des hommes et des femmes célèbres, et les Paris « mineurs », ceux des petites gens qui peuplent les arrondissements moins parcourus, parfois oubliés, souvent aux marges. Dans les flâneries des protagonistes, entre leur vie personnelle et leurs enquêtes, on rencontre une panoplie d’hommes et de femmes auxquelles les chroniques ne donnent pas de visage, mais qui ici représentent les mille atmosphères de la ville « lumière », même les plus sombres, cachées juste derrière les rues étincelantes. On explore ainsi les recoins d’une cité à l’apparence grandiose dans les boulevards et les places de ses quartiers haussmanniens, pourtant misérable, problématique, délaissée dans des quartiers méconnus. Ce sont pourtant des réalités pleines de vies et d’histoires intéressantes qui peuvent raconter mieux, depuis les expériences quotidiennes et ordinaires, les facettes de l’Histoire d’une ville-phare, dans son organisation sociale, son économie faite de finance et de commerce tout comme d’activités artisanales, avec ses zones « sensibles » mais dynamiques où une citoyenneté multiculturelle et multiraciale se dessine déjà. Par cette contribution, on entend examiner les traits qui distinguent l’œuvre de Claude Izner en tant que forme de « polar singulier » invitant à un voyage dans les coulisses du passé d’une ville où se réverbère, à travers des clins d’œil continuels et des jeux de correspondances à la fois volontaires à la fois inconscients, le Paris d’aujourd’hui.
Représentations de Paris dans les romans de Claude Izner
Cristina Trinchero
2022-01-01
Abstract
Maints ouvrages depuis des décennies sont rangés sous l’étiquette de « polar historique » et ont créé une filière d’écriture étendue et variée qui stimule des lecteurs fidèles et aussitôt des études critiques de la part des universitaires. « Polars d’ambiance rétro hors la loi du genre », d’après la définition que leurs auteures mêmes ont façonnée pour identifier leurs romans, les livres de Laurence Lefèvre et Liliane Korb, alias Claude Izner, proposent un regard inédit et piquant sur l’espace urbain de Paris. A travers leurs deux séries, celle de Victor Legris et celle de Jeremy Nelson, elles font preuve d’un culte pour une écriture littéraire et d’un travail d’historiennes rare. Dans chaque page se retentissent les échos des maîtres du roman policier et des sources d’archive auxquelles elles puisent des faits divers, des profils, des curiosités, des renvois aux transformations de la ville, de la société et de son organisation entre l’effervescente Belle Epoque et les pétillantes Années Folles. A côté de leurs héros-détective amateurs et de leur entourage formant une saga de personnages réapparaissant au fil des enquêtes, il n’y a pas qu’un Paris. Il y a plutôt les Paris: le grand Paris, celui de l’Histoire qui passe aux annales, des évènements politiques retentissants, des grandes expositions, des hommes et des femmes célèbres, et les Paris « mineurs », ceux des petites gens qui peuplent les arrondissements moins parcourus, parfois oubliés, souvent aux marges. Dans les flâneries des protagonistes, entre leur vie personnelle et leurs enquêtes, on rencontre une panoplie d’hommes et de femmes auxquelles les chroniques ne donnent pas de visage, mais qui ici représentent les mille atmosphères de la ville « lumière », même les plus sombres, cachées juste derrière les rues étincelantes. On explore ainsi les recoins d’une cité à l’apparence grandiose dans les boulevards et les places de ses quartiers haussmanniens, pourtant misérable, problématique, délaissée dans des quartiers méconnus. Ce sont pourtant des réalités pleines de vies et d’histoires intéressantes qui peuvent raconter mieux, depuis les expériences quotidiennes et ordinaires, les facettes de l’Histoire d’une ville-phare, dans son organisation sociale, son économie faite de finance et de commerce tout comme d’activités artisanales, avec ses zones « sensibles » mais dynamiques où une citoyenneté multiculturelle et multiraciale se dessine déjà. Par cette contribution, on entend examiner les traits qui distinguent l’œuvre de Claude Izner en tant que forme de « polar singulier » invitant à un voyage dans les coulisses du passé d’une ville où se réverbère, à travers des clins d’œil continuels et des jeux de correspondances à la fois volontaires à la fois inconscients, le Paris d’aujourd’hui.File | Dimensione | Formato | |
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