Un cas de circulation des idées économiques : Th. Jefferson, P.-S. Du Pont de Nemours, J.-B. Say, A.-L.-Cl. Destutt de Tracy. Continuité et discontinuité de la pensée économique française et de sa réception aux Etats-Unis

Le rapport entre l’économie politique et la stabilisation des expériences révolutionnaires en France et aux Etats-Unis définit notre sujet de recherche. La perception d’une continuité dans la réflexion économique française caractérisa sa réception en Amérique de la seconde moitié du XVIIIe siècle aux premières décades du XIXe, des physiocrates à Jean-Baptiste Say. Au centre de cette diffusion il y a Thomas Jefferson, qui par son pragmatisme saisit toute l’ampleur et la continuité de l’approche sociale de la réflexion économique française post-physiocratique. Cette continuité était constituée par les idéologues. Au delà de l’intérêt pour l’action de Jefferson de diffusion des auteurs économiques français, on se propose ici de réfléchir en particulier sur l’élaboration originelle des idées françaises tracée par Jefferson, dans le but de mettre en évidence l’interaction entre sa réception de la culture économique et son apport aux débats français. On pourra donc suivre les parcours souvent embrouillés d’une réflexion sur les liens entre économie et politique que, de la France, se propagea en Amérique, et de l’Amérique repassa en France, enrichie du réalisme et du pragmatisme des milieux américains. Ces connexions seront explicitées en utilisant aussi des documents inédits, à travers les contacts et les rapports personnels entre des personnages, qui se placent au carrefour des idées du XVIIIe et du début du XIXe siècle : Jefferson, Du Pont de Nemours, Say et Destutt de Tracy. Les échanges croisés de leurs correspondances, leurs relations mutuelles, où Jefferson représenta le point de repère organisateur et Say la référence théorique, nous permettent de fixer par une scrupuleuse attention aux données chronologiques de nouveaux éléments d’interprétation : 1) il est possible de suivre des parcours indirects de la diffusion de la pensée de Say aux Etats-Unis, 2) on peut préciser les modifications de l’attitude de Jefferson face au rapport entre agriculture et manufactures, en les reliant non seulement à son réalisme politique, mais aussi à une réflexion théorique, 3) on peut saisir toute la portée du rôle que Du Pont de Nemours joua dans les transformations de la physiocratie au début du XIXe siècle et qui lui permirent, par ses rapports avec Jefferson et au delà de la polémique qu’il développa dans ses lettres à Say, d’aboutir à une partielle modification de ses positions, ce qui le rapprocha de la réflexion économique post-physiocratique.