Réflexions sur les méthodes de l'anthropologie littéraire

Un projet d'anthropologie littéraire nous conduit à plusieurs changements dans les priorités de recherche et dans les instruments de travail des études littéraires. Par exemple, le concept de canon littéraire change d'une façon radicale: un projet de recherche en anthropologie littéraire, devant des modèles culturels différents, décrit la coexistence, souvent conflictuelle, de canons littéraires différents, en essayant d'expliquer pour qui, quand, où et pourquoi un certain canon est (ou a été) considéré comme valide. L'étendue du domaine de nos études s’élargit donc de manière surprenante: du travail auquel nous sommes plus habitués, concentré principalement sur la littérature écrite dans un nombre restreint de langues et dans une partie limitée du monde, potentiellement à toutes les littératures du monde. Il est possible que les objets de recherche ne soient plus des textes ou des auteurs individuels, mais des types de textes, c'est à dire des généralisations basées sur l'examen d'un nombre élevé de textes, susceptibles de constituer un échantillonnage représentatif de l'objet de notre étude. Dans un projet de ce type on ne cherche pas à proposer des modèles de lecture, mais on étudie empiriquement - donc avec des vérifications sur le champ, comme l'anthropologie sait le faire - les différents actes de lecture que des lecteurs dont la provenance culturelle est différente peuvent produire. Un projet de ce type amène inévitablement à la chute des frontières rigides entre des disciplines différentes, parce qu'il demande des compétences provenantes d'aires traditionnellement séparées comme la linguistique, la psychologie, la sociologie, l'histoire littéraire, la statistique, la philosophie.